Tribune pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité
À l'initiative de notre élue, Catherine Michaud
Déléguée spéciale à la lutte contre les discriminations, le racisme et l'antisémitisme
Bientôt 20 ans, que le 17 mai est la journée mondiale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie. Un choix de date hautement symbolique pour commémorer la décision de l'Organisation Mondiale de la Santé, qui le 17 mai 1990, a décidé de rayer l'homosexualité de la liste des maladies mentales. Cette avancée considérable pour la reconnaissance de l’égale dignité des Hommes est un tournant dans l’acceptation des personnes LGBT dans la société. Ce fut un combat long et difficile, porté par de courageux militants dans le monde entier. Seulement, si des progrès considérables ont été réalisés ces dernières années, la situation demeure alarmante dans beaucoup de pays, nous rappelant que ce combat n’est pas terminé et qu’il reste essentiel et fondamental de rester vigilants et mobilisés.
Le 18 décembre 2008, la France a porté l’initiative courageuse d’une première campagne pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité par une déclaration de l’Assemblée générale des Nations-Unies. Cet appel, qui a réuni 66 pays des 5 continents et qui a mis à l'ordre du jour de l'Assemblée de l'ONU la défense des droits des LGBT, a rappelé cette exigence simple et pourtant fondamentale : nul ne doit être inquiété ou discriminé pour son orientation sexuelle. Si cet appel historique fut une première étape majeure grâce à sa portée internationale, force est de constater que les initiatives qui en ont découlé demeurent timides et, malheureusement, nous détournons encore trop souvent le regard face à des situations inqualifiables et indignes qui se perpétuent dans le silence. La recrudescence des discours politiques, parfois même de chefs d’Etat à l’image de Vladimir Poutine, qui dans une diatribe anti-occidentale, n’hésitent plus à lancer des offensives contre le droit des homosexuels, provoquent une recrudescence des actes homophobes et un durcissement des législations anti-LGBT, comme ce fut le cas il y a un an en Ouganda. Aujourd’hui encore, nous faisons le constat amer que les relations homosexuelles sont toujours illégales dans plus de 60 pays avec des risques de sévices physiques, psychologiques, d'humiliations, de tortures et de viols en cas d’arrestation. La situation est encore plus grave dans 11 pays : l’Afghanistan, l’Arabie saoudite, le Brunei, les Émirats arabes unis, l’Iran, la Mauritanie, le nord du Nigeria, le Pakistan, la Somalie, le Qatar et le Yémen où l’homosexualité est encore passible de la peine de mort. La persistance de ces persécutions nous rappelle que ce combat doit se poursuivre tant que nous continuerons à vivre dans un monde où l'amour est criminalisé, où le simple fait d’aimer peut vous amener en prison, où le dire ou le montrer peut valoir la mort.
Ce combat n’est pas un combat culturel ou l'affaire de quelques-uns. Il est universel et l’affaire de tous face l’intolérance, l’injustice et l’exclusion. Il n’est nullement question ici d’un prosélytisme quelconque, d’imposer ou de promouvoir un modèle de société, ou de heurter certaines sensibilités comme malheureusement le discours anti-LGBT le laisse penser. C’est un juste rappel des conventions et des traités internationaux qui ont été votés par les pays membres des Nations Unies, qui rappellent l’indispensable respect des droits humains les plus élémentaires, inaliénables et indivisibles, qui forment notre commune humanité : la liberté, l'égalité des droits, la lutte contre les discriminations et l’exclusion. La dépénalisation universelle de l’homosexualité n’est donc pas une lubie ou une énième revendication communautaire mais la volonté de revendiquer partout, en toute circonstance et pour quiconque, que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. C’est le rôle de la France, patrie des droits de l’Homme, de porter à nouveau ce message, de s’engager comme elle a su le faire par le passé, en étant la voix de ceux qu’on force à s’effacer, qu’on réduit à la marginalité, au silence et que l’on tue.
Il y a quelques années, la région Île-de-France a voulu faire porter ce message en votant un voeu allant dans le sens de cette dépénalisation universelle. En effet, par la voix de sa présidente, Valérie Pécresse, le conseil régional s’est engagé depuis des années contre l’homophobie et la lutte contre toutes les discriminations, que nous avons érigées en priorité. Nous soutenons le milieu associatif qui oeuvre contre l'exclusion des personnes LGBT notamment à travers des dispositifs d’aide aux jeunes en rupture sociale et familiale, nous menons des actions dans le sport par la signature de conventions pluriannuelles avec le mouvement sportif francilien, pour que les ligues et comités régionaux s’engagent pour la lutte contre toutes les formes de discrimination. Nous soutenons toutes les actions de sensibilisation et d’information auprès des lycéens et des étudiants sur la lutte contre l’homophobie. C’est un éventail d’actions que nous portons depuis des années car nous voyons également dans nos pays, en Europe et aux Etats-Unis, des offensives politiques visant à faire régresser les droits des homosexuels. Rien n’est jamais acquis et notre devoir de vigilance doit être absolu et constant.
En ce jour symbolique, nous voulons redonner de la visibilité à ce combat. Si la tâche s'avère compliquée, si les obstacles sont nombreux, si l’intolérance et l’hostilité demeurent, si le contexte géopolitique participe à la relégation de ces sujets, nous avons le devoir de poursuivre nos efforts avec pédagogie et fermeté pour réaffirmer que la dépénalisation universelle de l’homosexualité est l’affaire de tous et que vivre librement son orientation sexuelle un droit fondamental de l’Homme.